Que vaut la version manga de la série Sherlock ?
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La saison 4 de Sherlock, série britannique créée en 2010 par Mark Gatiss et Steven Moffat, débarque ce jeudi 16 mars à 20h55 sur France 4 (déjà visible en janvier dernier au Royaume-Uni sur BBC One). Pour accompagner cette diffusion française, l'éditeur Kurokawa propose le premier tome de sa très fidèle adaptation en manga (bande dessinée japonaise). Sorti le 9 février, l'ouvrage plutôt grand et épais, reprend le tout premier épisode de la série : Une étude en rose. Il en porte donc le même titre. La couverture annonce un travail d'écriture par les mêmes scénaristes que la série, Gatiss et Moffat — tous deux connus pour leur travail sur une autre œuvre phare anglaise : Doctor Who — et des dessins de Jay. (avec le point). Qu'apporte cette transmission en art séquentiel d'un épisode déjà remarquable et très réussi ?

Dans les faits : pas grand-chose pour le fan qui connaît par cœur la série. L'inconditionnel ne trouvera pas de nouveaux éléments si ce n'est quelques narrations internes provenant de Watson lui-même. Une (brève) approche inédite puisque la série ne se met jamais à la place d'un de ses personnages de cette façon. Les volumes suivants tendront peut-être davantage vers ce choix, ce qui pourrait être plaisant et intéressant. Pour le connaisseur "occasionnel" de la série télé, c'est-à-dire le spectateur qui a vu l'épisode une fois (épisode qui a été diffusé il y a plus de sept ans tout de même), c'est un plongeon idéal pour se remémorer la série sans passer 1h30 devant un écran. On conseillera toutefois au néophyte de découvrir Sherlock à la télévision plutôt que sur papier, les trois premières saisons sont d'ailleurs disponibles sur Netflix.

« Je me base sur la version traduite du script qu'utilisent les doubleurs
et sur le fichier de sous-titrage japonais de la série.
»


Graphiquement, les traits fins et élégants de Jay. retranscrivent bien les lieux atypiques de la série (le fameux appartement du 221B Baker Street) et certains protagonistes mais pas tous. Benedict Cumberbatch (Sherlock) est ainsi brillamment croqué alors que Martin Freeman (Watson) fait pâle figure à côté. Il ressemble même trop à Rupert Graves (le lieutenant Lestrade). Quid de l'histoire ? Elle reprend quasiment mot pour mot l'épisode pilote qui mettait en scène la rencontre entre le binôme ; dans cette version modernisée des œuvres d'Arthur Conan Doyle, Watson est un ancien médecin de l'armée britannique, blessé en Afghanistan, qui s'illustre aux côtés d'un Sherlock très malin mais passablement arrogant et hautain. Leurs enquêtes se situent dans notre époque contemporaine en utilisant efficacement mais sans redondance la technologie des smartphones ou la culture d'Internet (blogs, réseaux sociaux, piratage informatique...).

Sans obscurcir le matériel littéraire originel, cette "étude en rose" suit le même schéma que le livre dont elle s'inspire très librement (le tout premier de la saga, Une étude en rouge) : une série de suicides intrigue la police qui n'arrive pas à trouver de liens entre chaque victime, ni même de coupables puisqu'il ne s'agit pas de meurtres au sens strict du terme. Sherlock et Watson investiguent, avec le même procédé vu dans la série télé, et résolvent évidemment l'énigme. Une aubaine pour se rappeler ce scénario finement écrit si on ne l'avait jamais revu en vidéo depuis sa première diffusion. L'aventure des héros intemporels y est quasiment retranscrite plan par plan.

Si les scénaristes Steven Moffat et Mark Gatiss ont leurs noms qui prônent fièrement sur la couverture, ils sont finalement peu impliqués dans le processus de création du manga. « Je me base sur la version traduite en japonais du script qu'utilisent les doubleurs de la série confie Jay., le dessinateur. Lorsque je sens qu'un dialogue est trop long pour entrer dans une bulle ou pour assurer un bon tempo à l'enchaînement des cases, je me réfère au fichier de sous-titrage japonais de la série, qui est plus concis. Mais je me permet aussi certains arrangements si je sens que les enchaînements de dialogues ne me paraissent pas naturels. »

Quatre tomes en cours, le second en France en juin.

Le dessinateur ne les a jamais rencontrés dans le cadre de son travail mais les a vu plusieurs fois à titre personnel, à des avant-premières au Japon et sur scène au théâtre de Londres. « L'idée de porter la série en manga vient d'un responsable éditorial de la maison Kadokawa [l'éditeur japonais] qui était particulièrement fan » reconnaît l'intéressé. Moffat et Gatiss ont validé le projet avec une seule consigne : « que l'histoire se déroule comme dans la série ». Cette absence de directives particulières permet à Jay. de se baser sur des éléments visuels et narratifs très précis. Ce premier tome est sorti en 2012 au Japon, soit l'année de la deuxième saison. Deuxième saison qui débutait par l'épisode Un scandale à Buckingham, sur lequel travaille actuellement Jays. « Après cela, je n'ai pas encore de visibilité sur la suite de la série » reconnaît l'artiste. On ignore pour l'instant si les treize épisodes composant la série auront tous droit à cette version en bande dessinée.

En France, le second tome, reprenant donc le deuxième épisode de la première saison, Le banquier aveugle, sera en vente au même prix que le premier (12,60€) dès le 8 juin prochain. D'ici là, les fans auront découverts la quatrième saison, qui est sans doute la dernière de Sherlock, une excellente série malgré quelques faiblesses d'écriture pour de rares épisodes (dont le premier de cette quatrième saison). Elle a révélé le talent de deux acteurs formidables et renouvelé avec brio un mythe populaire, tant dans la forme (le casting, la musique et la mise en scène) que le fond (les scénarios souvent bien inspirés et les dialogues ciselés et réussis).


Cet article a initialement été publié sur Le Huffington Post.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Idéal pour se remémorer le début de la série.
  • Hyper fidèle à l'épisode adapté.
  • Bel ouvrage, grand et soigné.
  • Dessins convaincants pour Sherlock...
  • ... mais pas pour Watson.
  • Zéro surprise pour le fan, donc peu d'intérêt même pour un complétiste.
  • Quatre tomes prévus sur treize possibles, aucune indication si d'autres verront le jour.