Monstress : l'Eveil
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Avec Monstress, salué par la presse outre-Atlantique et même élu "série de l'année" par Entertainment WeeklyDelcourt fournit un album absolument splendide, un objet précieux qui fera sensation dans une bibliothèque. Cependant, malgré le soin apporté au côté graphique de l'histoire, on ne peut s'empêcher de se sentir un peu frustré par le contenu. C'est beau, parfois magnifique, mais ce récit entre Witchblade (pour la force obscure et dévastatrice que tout le monde désire contrôler) et Battle Chasers (pour l'univers heroic fantasy, la petite fille détentrice d'une puissance inconnue, le contexte martial) peine véritablement à convaincre dans ses séquences de combat, assez peu intelligibles.

Marjorie Liu, qui n'aime rien tant que raconter les tribulations de personnages mal intégrés dans leur société, souffrant de discrimination ou simplement mis à l'écart du fait de leurs origines, de leur physique particulier ou de leur orientation sexuelle, nous présente le destin hors-normes de Maika, une jeune fille au visage dur et au regard déterminé, sur le point d'être vendue à des hommes comme esclave en compagnie d'Arcaniques, des hybrides d'humains et d'animaux en conflit ouvert avec les hommes. Elle-même, pourtant humaine d'apparence - bien que manchote - est annoncée comme faisant partie de cette engeance, l'une des cinq races douées de conscience se partageant une Terre alternative. Elle finira par être emmenée par Sophia, une des dirigeantes de la caste des Cumaea, sortes de prêtresses possédant de facto un immense pouvoir politique du fait de leurs connaissances approfondies sur le Lilium, substance extraite des os des Arcaniques et dont les Humains tirent d'énormes pouvoirs (des armes surpuissantes ou des élixirs prolongeant la vie). Cependant, Maika n'est pas une esclave ou une prisonnière de guerre ordinaire : bien qu'ayant oublié une partie de ses origines, elle est venue chez les Cumaea pour se venger et trouver des réponses aux questions qui la tarabustent, mais également pour satisfaire cette faim qui la tenaille, cette faim qui la dévore car elle sait à présent qu'une terrible créature, d'une extraordinaire puissance, sommeille en elle et est sur le point de s'éveiller.


Monstress dispose de très nombreux atouts, et avant tout d'une histoire en béton dans un contexte foisonnant et séduisant. Il y a fort à parier que l'approche "manga" opérée par Sana Takeda avec ses petits Arcaniques tout mignons ainsi que ces guerriers semblant tout droit sortis d'un jeu vidéo (dotés d'armures rutilantes et d'armes démesurées) plaira à plus d'un lecteur. L'auteure en outre semble avoir fortement souligné le caractère féminin de l'entreprise (le territoire humain est régenté par cette caste de Nonnes Sorcières, l'héroïne est une jeune fille flanquée d'une petite sang-mêlé renarde, les Arcaniques rebelles sont guidés par une mystérieuse Baronne) tout en ne ménageant pas de véritables instants de cruauté (les victimes sont démembrées, torturées, dépecées pour les besoins de la recherche ou simplement afin d'être soumises à la Question). Bien des mystères entourent la quête de vengeance de Maika Demi-Loup, sur ses origines, sur son ascendance, sur le projet auquel sa mère a participé, sur l'existence même de ces monstres fantômes qui errent sur la surface de la Terre sans (jusque lors) n'avoir jamais interféré dans le monde réel. Et surtout sur ce qui s'est passé dans la ville de Constantine : quelle arme terrible a pu engendrer un tel cataclysme et ces centaines de milliers de victimes ? Et surtout : quel camp dispose d'une telle force dissuasive ? Le lecteur comprendra assez tôt le rapport entre l'enquête menée de part et d'autre de la ligne de démarcation et la quête de Maika, mais les énigmes résolues engendrent d'autres énigmes et le mystère s'épaissit.


Pour accompagner la lecture, chaque chapitre se voit agrémenté d'un agréable intermède présenté par un professeur chat chargé de nous présenter le monde connu, ses races et les liens existant entre elles. Bien que formellement intéressant et volontairement drôle, le changement de ton crée une dissonance gênant l'immersion dans le récit.
Une œuvre chat-toyante (sic), charmante et dynamique quoique souvent confuse et bavarde.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Présentation irréprochable : une belle couverture épaisse au titre imprimé en creux, des pages glacées de bonne facture.
  • Un style ambivalent entre comic moderne et manga d'heroic fantasy.
  • Un encrage magnifiant les couleurs chatoyantes.
  • Un monde cohérent, à la structure classique mais aux possibilités nombreuses.
  • Des mystères qui se révèlent très progressivement, entretenant le suspense sur les motivations et les identités.
  • Un bestiaire riche, des créatures mignonnes et des personnages inquiétants.

  • Un mélange d'humour et de drame qui peut déconcerter.
  • Un peu trop de flou au niveau des personnages principaux, qui empêche qu'on s'y investisse.
  • Une gestion des scènes de combat peu satisfaisante, les protagonistes étant mal définis et l'action peu intelligible.
En route vers la Tour Sombre : étape finale
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Oui, je sais.

Je sais que j'ai mis le temps avant d'écrire la conclusion de cette saga. Cela dit, j'ai mis du temps à lire les deux derniers romans. Non qu'ils soient fastidieux (comme pouvait l'être les Deux Tours, par moments) ou inintéressants, bien au contraire. D'ailleurs, plus je me rapprochais de l'échéance, la fin attendue de cette quête aussi épique qu'existentielle, plus je trépignais tout en redoutant deux choses terribles :

  • que la conclusion ne soit pas à la hauteur des enjeux avancés, des destins tragiques des protagonistes (comme ce fut le cas dans plusieurs des romans de Stephen King, comme le Fléau) ;
  • que la conclusion soit à la hauteur et qu'on en vienne à comprendre, à assimiler le fait, effroyablement triste, que c'en est fini. Terminé. Échu. Que ces héros fascinants que nous avons suivis, que nous avons appris à connaître, à aimer, à admirer, avec lesquels on a tremblé, vibré, pleuré et ri, eu peur et sauté de joie, ces compagnons du voyage immobile de la lecture s'en retournent dans ces pages, perdent leur tangibilité émotionnelle et finissent par ne plus exister que dans des souvenirs forcément traîtres et voués à se décomposer en instants précieux, en moments de gloire et en images éthérées.

Je sais aussi que ce n'est pas très poli de parler de la fin avant de raconter la trame. Et je sais fort bien que j'ai oublié d'abord d'évoquer l'avant-dernier roman, le Chant de Susannah, qui poursuivait les événements enclenchés dans les Loups de la Calla avant que tout ne s'accomplisse dans la Tour sombre. Oui, donc mea culpa, et tout ce qui s'ensuit.
On avait laissé nos héros, les membres du ka-tet de Roland flanqués du Père Callahan (personnage directement issu de Salem), savourant (mais pour une durée ô combien trop courte) leur victoire sur ces êtres malfaisants qui capturaient les enfants du village de Calla Bryn Sturgis. Cela aurait même pu être une victoire totale, à inscrire dans les livres d'Histoire vu le rapport des forces engagées, s'il n'y avait eu à déplorer quelques pertes - et la disparition de Susannah. Car ce que pressentait Roland, que Jake avait fini par découvrir avant Eddie, c'est que l'entité qui commençait à ronger la psyché de leur amie, cette Mia aussi diabolique que naïve, ne finisse par prendre le dessus afin de s'occuper du petit être qui grandissait en son sein. Susannah est sur le point d'accoucher, et elle le fera ailleurs. Là où des individus maléfiques (ceux-là même qui étaient à l'origine des raids des "Loups") attendent la venue au monde d'un héritier qui fera trembler les fondations même de l'univers. Sorte d'Antéchrist vouant une haine atavique envers le Pistolero, ce "p'tit gars" est tout à la fois l'enfant de Susannah et celui d'une autre. Mettez-vous donc à sa place : à l'heure des choix cruciaux, lorsque sera venu le moment de débarrasser le monde de cette "chose" qui a grandi en son sein, comment pourra-t-elle se résoudre à le tuer, quand bien même elle sache tout le mal qu'il peut engendrer ?
Le Chant de Susannah se veut un récit intermédiaire avant le temps des grandes résolutions, la course-poursuite entre une Susannah qui s'est auto-kidnappée et ses amis obligés d'user d'artifices afin de la retrouver dans notre monde à nous (mais encore faut-il parvenir au bon endroit... et à la bonne époque). Le ka-tet auparavant uni se retrouve scindé en trois équipes : un guet-apens d'une violence inouïe est tendu à Eddie et Roland, qui n'échapperont à la mort que grâce à leur expérience, leurs facultés hors du commun et une certaine dose de chance, tandis que Jake et le Père Callahan sont malgré eux aux trousses de leur amie qui fait ce qu'elle peut pour laisser des indices en tentant de se concilier la créature qui occupe son corps. 
Tout va très vite, et on finit même par avoir le tournis entre les événements, les rêveries, les scènes d'introspection, l'enquête et la traque, d'autant que l'écrivain use de plus en plus de cette manière si particulière d'apostropher le lecteur, d'attirer son attention en s'adressant directement à lui, puis se met, carrément, en scène, devenant de facto un personnage de la saga qu'il écrit. Imaginez un peu l'attitude d'un Pistolero éprouvé par le sort et par les tragédies qu'il a traversées (ainsi que par la perte de tant d'êtres chers) faisant face à son "créateur" ! C'est à la fois déroutant et hypnotique. On comprend la démarche, qui, toute réflexion faite, s'avère parfaitement logique du point de vue du récit, mais on ne peut s'empêcher de trouver tout cela un peu... factice, suffisant. Là où les grands auteurs de SF se sont évertués de construire, sur la fin de leur vie, un univers cohérent tentant de relier entre elles des œuvres pas forcément concomitantes, Stephen King va plus loin puisqu'il explique comment l'œuvre elle-même est née, comment il en est devenu, non pas le géniteur, mais le conteur, le récitant, le conduit par lequel le ka s'exprime et modèle la réalité, toute vacillante qu'elle soit. Une annexe surréaliste nous propose d'ailleurs des extraits de son journal intime, dont certaines entrées permettent d'apporter un nouvel éclairage à certains des faits narrés dans la saga. Sa lecture est irrésistible et constitue une sorte d'apothéose ironique.

Malgré la fatigue, malgré l'âge, malgré les vies qu'il a consumées à poursuivre sa quête, Roland entrevoit alors le plan ultime qui lui permettra, peut-être, de parvenir à ses fins. Il sait qu'il y aura de la casse, il sait qu'il y aura des pertes. Un homme tel que lui, qui a transcendé le statut même de héros, est plus ou moins capable d'entrevoir la course des événements, tout en claironnant qu'il n'a aucune emprise sur l'itinéraire tracé pour lui par le destin. Il lui faut donc s'organiser avant de rassembler ses ouailles, avant l'ultime effort. Son champ d'action se réduit d'autant plus que la naissance, qu'il ne pourra empêcher, de Mordred, ce fils honni voué à sa perte, complique davantage la mission qu'il s'est donnée.
La Tour Sombre s'ouvre sur une tragédie, terrible et cruelle... et il en sera ainsi jusqu'à la conclusion de la saga. L'auteur (le vrai, le nôtre, mais après tout, ne sommes-nous pas finalement des personnages de l'histoire ?) nous a déjà prévenus, anticipant notre désespoir et notre désolation : chacune des étapes qui mèneront finalement Roland au pied de la Tour verra la mort de l'un de nos héros. On a beau s'y préparer, lorsque cela survient, c'est épouvantable. Ce septième volume se pare ainsi de moments de tristesse infinie et réussit à conserver une pudeur et une élégance incroyables jusque dans les instants les plus sombres, au point qu'on aimerait que tout finisse au plus vite, qu'on arrête de voir nos amis souffrir et périr, alors qu'en même temps on souhaiterait que cela ne se termine jamais. On en ressort tour à tour effondré et comblé. Ce diable d'écrivain se révèle par là-même profondément pervers, nous ayant fait partager les pensées les plus intimes de ses protagonistes, nous ayant familiarisé avec eux, appris à les apprivoiser, à les apprécier, à les aimer avant que de nous les ôter, de les oblitérer, de les retirer de l'existence, parfois avec brutalité - avec cette soudaineté vicieuse dont font preuve les plus grands metteurs en scène - parfois lentement, avec une once d'attendrissement solennel, nous laissant savourer les derniers mots, les derniers souffles de celui ou celle qui se meurt et nous quitte.

J'avoue que certains chapitres étaient justement si profondément justes dans leur ton, malgré l'atrocité des événements qu'ils dépeignaient, que cela m'a plusieurs fois réconcilié avec cette sorte d'arrogance de démiurge qui nous fait entrevoir la trame même de l'univers décrit, les ficelles qui sous-tendent chacun des actes des personnages. Ainsi, le lecteur entre et sort du roman, et passe de l'agacement à l'émerveillement, du doute à la passion dans un maelström d'émotions complexes et parfois antagonistes. Il y a quelque chose de sagement échevelé dans la façon dont se précipite la quête, avec nos survivants qui se dépêchent avec lenteur, évitant la plupart des pièges tendus tout en y laissant, chaque fois, une part d'eux-mêmes.
En avançant, toujours, malgré le poids des remords et de la culpabilité, le groupe du Pistolero devra d'abord tenter d'éviter que la réalité ne s'effondre en empêchant le sabotage des piliers de l'univers. C'est là qu'interviennent des personnages issus d'autres textes de l'auteur, par exemple Cœur perdu en Atlantide. A nouveau, on aura droit à un haut fait d'armes, à un plan minutieusement échafaudé, à des risques calculés pris en toute connaissance de cause et à une bonne grosse dose d'héroïsme... et d'injustice. Car chez Stephen King, ce n'est pas parce qu'on est du côté des bons et qu'on est prêt à tout qu'on survit forcément. La mort planait déjà au-dessus de leurs têtes, l'inéluctabilité les suivant pas à pas, quoi qu'ils entreprennent. Tandis que, dans l'ombre, tapi, léchant ses blessures, Mordred attend son heure...

Il y aurait tant à dire sur la saga en elle-même, décousue, haute en couleur, emplie de séquences effrayantes et formidables, irrésistiblement passionnante, sur ce style qui s'affermit, se fluidifie, se réoriente et s'amuse parfois de ses propres travers. Et sur cette fin, surtout, qu'il nous propose, sèche, multiple et symbolique, nous certifiant qu'elle est seule valable, nous poussant, nous lecteurs, à reconnaître nos torts d'en vouloir davantage avant, malgré tout, de céder et de nous livrer une postface façon séquence post-générique tendre, fugace et lénifiante. Allons, ce vieux grigou a tout de même un cœur...
Pour ceux qui se seraient un peu perdus dans tous ces propos, par l'apparente complexité du Kingverse dépeint au travers des 7 livres de la saga, Neault vous avait concocté il y a quelque temps un Guide de lecture fort bien fait qui vous aiguillera (et vous aiguillonnera aussi, sans doute ! ses propres conclusions sur la saga sont à découvrir dans cette chronique).
On ne sort pas indemne de cette lecture. Triste, sans doute. Ému. Enrichi et fatigué. Certainement pas satisfait bien qu'un peu réconforté. Ces héros qu'on a glorifiés nous hanteront. Et, avant même de lire la Clef des vents (une œuvre écrite plus tard mais qui prend place avant les Loups de la Calla), je sais déjà une chose : je relirai la Tour sombre. Parce qu'il ne peut en être autrement.

J'en profite pour signifier mon impatience, mais également mon extrême attention, devant le projet de série TV sur la saga. Il semble que ce soit un projet mûrement réfléchi, avec une réelle volonté d'adapter le matériau et non de le transposer tel quel, et les acteurs constituent une véritable plus-value (même si on aurait TANT aimé que ce soit avec Clint Eastwood !).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Grandiose. 
  • Épique.
  • Terrifiant. 
  • Passionnant.
  • Ambitieux.

  • Triste.
  • Déroutant.
  • Frustrant.
  • Arrogant.
  • Fini.
Blair Witch : à l'origine du Mythe
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Le Projet Blair Witch a connu un réel succès et, bien qu’il ne soit nullement à l’origine des found footage (films, enregistrements censés être « trouvés » [1]), a réellement lancé une mode, d’autant que sa réalisation n’a demandé qu’un budget minimum [2]. Mais c’est surtout la campagne promotionnelle et le soin apporté aux fausses informations qui ont précédé le film qui ont contribué à créer l’intérêt et même bâtir une légende que certains pensent encore basée sur des faits réels.
Ou comment faire peur avec trois bâtons et deux bouts de ficelle.

Rappelons l’intrigue, très simple : trois étudiants partent faire un reportage sur la sorcière de Blair. Ils vont pour cela commencer par interroger les habitants de Burkittsville avant de s’enfoncer dans les bois.
Après s’être perdus et avoir été témoins de faits quelque peu effrayants (cris, bruits étranges dans la nuit, symboles ésotériques retrouvés dans la forêt…), ils finissent par être harcelés par quelque chose ou quelqu’un. Au final, ils disparaissent et ce sont les scènes qu’ils ont filmées qui sont censées constituer le film.

Première constatation, le (pas si) long-métrage est très simple et repose sur des éléments anodins mais parfaitement employés. Et en premier lieu, la forêt elle-même. Les bois, ceux qui y vivent – et même ce qui y vit – ont toujours fasciné et inquiété, contribuant à créer légendes modernes et mythes anciens. Pour rester en Amérique du Nord, le Wendigo, issu de la culture amérindienne, est l’une des nombreuses créatures maléfiques qui sont censées peupler les bois et personnifier le danger qu’ils représentent.
Si se perdre en forêt, il y a quelques décennies, surtout en hiver, pouvait être rapidement problématique, cette notion de « perdition » dans une nature présentée comme peu agréable, voire hostile, est peut-être encore plus effrayante de nos jours, à l’aune de civilisations de plus en plus citadines, reposant sur la technologie des villes et l’aspect « rassurant » du brouhaha qu’elles engendrent.

Autres éléments simples pourtant constitutifs du film : les cailloux et les morceaux de bois, accompagnés de vagues cris. Cela peut sembler curieux de se reposer sur si peu mais il n’en faut pourtant pas plus pour créer une atmosphère tendue. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, même dans des films d’horreur « gore », la peur est toujours générée par l’attente de l’action, non l’action elle-même (l’aspect gore n’apportant alors qu’un dégoût ou un choc visuel, qui n’a plus rien à voir avec l’angoisse suscitée par l’étrange, le mystère, le paranormal).
Dans Le Projet Blair Witch, pour peu que l’on soit réceptif au genre et à la forme du récit, ce qui va effrayer n’a rien de spectaculaire. Les auteurs puisent clairement dans l’inconscient collectif et le monde de l’enfance. La peur du noir ou de ne pas retrouver le chemin de la maison pour les enfants, la peur d’un bruit non-identifié pour ce qui est des peurs ancestrales logiques inscrites dans notre cerveau reptilien (qui produit encore un réflexe de peur, donc de préparation du corps à la fuite ou au combat, devant l’inconnu et son danger potentiel), la peur de l’inhabituel, de l’étrange au sens large (symboles incompréhensibles, donc inquiétants), la peur sociétale de l’isolement, de l’abandon… bref, un catalogue presque complet de tout ce qui peut nous filer des insomnies et des crises d’angoisse.


C’est sans doute même l’aspect clairement universel de Blair Witch qui est à l’origine de son efficacité. Un alien, une dame blanche ou un démon vont clairement avoir leurs « fans » mais aussi susciter l’incrédulité de certains voire le rejet, alors qu’un petit tas de cailloux qui n’a rien à faire là, ou une silhouette faite de branches liées entre elles, restent suffisamment flous pour impacter l'imaginaire de presque tout le monde.
C’est un peu le principe de la « lettre de menaces ». Ce ne sont pas forcément celles qui sont bardées d’insultes qui font le plus peur. Une phrase anodine dans un contexte particulier (un courrier anonyme) aura un sens à la fois plus inquiétant et permettra de ratisser « plus large ». Imaginez que vous receviez un courrier du genre « sale connard, je vais te défoncer, tu es une merde, je te chie dessus ». Bon, pas agréable, mais honnêtement, à moins d’être très sensible, ça n’a pas vraiment d’impact psychologique. Admettons que vous receviez maintenant un courrier au contenu radicalement différent, du genre « ta fille sort de l’école à 16h00 ». Cette version est bien plus flippante, pourtant, elle ne fait pas appel à un vocabulaire violent. La construction de Blair Witch est identique. Le vocabulaire, pris isolément, n’a rien de spécial, mais le contexte le rend éprouvant et anxiogène.

En plus du contexte formel de la réalisation, il est important de revenir sur le travail, futé et efficace, qui a été entrepris par la production avant la sortie du film. Le but était de donner une aura de vérité à une fiction inventée de toutes pièces [3]. Cela a été construit sur deux niveaux. Le premier, le plus grossier, consistait simplement à faire croire que le film présentait réellement un assemblage de rushes retrouvés dans les bois. Peu de gens y ont cru (encore que…) mais beaucoup se sont interrogés, au moins un peu, sur la véracité du binz.
Le second niveau est bien plus subtil, car c’est ce qui va permettre de créer le mythe et de l’entretenir. Il s’agit de faire croire que, si le film est une pure fiction, il se base sur des faits réels. Pour cela, de faux témoignages, de fausses coupures de presse, de faux ouvrages, vont être évoqués sur des sites ou dans de faux documentaires, comme Curse of the Blair Witch (diffusé à l’époque sur Sci-Fi, aujourd’hui SyFy). Rustin Parr, tueur en série totalement inventé, y est ainsi présenté comme une personne réelle dans des extraits de journaux et différents documents plutôt bien foutus. Tout « sent » l’archive et l’enquête sérieuse. Il est également question de donner un semblant de véracité à Elly Kedward, sorcière prétendument à l’origine du mythe et qui aurait tenté, au XVIIIe siècle, de boire le sang de quelques gamins (ah ben, quand on a soif et qu’on n’a pas de bière sous la main…).


Pourtant, de nombreux éléments ne résistent pas à quelques vérifications. Ainsi, Burkittsville (qui existe) ne s’est jamais appelée « Blair » auparavant. L’on pourrait croire qu’il s’agit d’une maladresse de la part de la production alors qu’il s’agit en fait d’un basique en matière de manipulation et mensonge.
Mêler du vrai à du faux rend la séparation des deux domaines complexe. Pour ceux qui ont tendance à croire, la touche de vrai finira de les convaincre. Pour ceux qui ont tendance à douter, ils devront faire face à des fondations réelles qui tendent à crédibiliser des constructions pourtant imaginaires.

Pour autant, peut-on en vouloir aux gens qui ont « menti » autour de Blair Witch et de sa véracité ?
Honnêtement, ce serait leur faire un faux procès.
Il y a là au contraire une forme de travail presque expérimental (surtout à l’époque, 1999 quand même, le net balbutie encore) sur la communication de masse autour d’une œuvre « populaire ». C’est un phénomène relativement courant aujourd'hui mais, ici, il s’agit de préparer le terrain, de mettre un terreau approprié dans des esprits où l’intrigue va se développer, et non de surfer sur un buzz vulgaire et sans intérêt. Parvenir à créer une légende de toutes pièces reste un tour de force peu commun et admirable. Même s’il y a aussi un but pécuniaire à la clé, la démarche artistique est indéniable. Reste à s’interroger sur sa moralité…

Goebbels disait que plus le mensonge est gros, plus il passe.
Hmm… à voir. En réalité, un mensonge passera toujours plus ou moins, quel que soit son énormité. L’on pourrait croire que la technologie actuelle a rendu les élucubrations plus fragiles, malheureusement, l’on constate chaque jour qu’elle les renforce, par le biais des réseaux sociaux et de leur effet de masse, grâce également à des trucages imparfaits mais maintenant à la portée de tous.
Le « mensonge » de Blair Witch n’a rien de grave, il consiste à rendre plus efficace une œuvre de fiction. Il permet d’augmenter la curiosité et les frissons.
Mais ce doute, cette dose supplémentaire de peur, ce rapport forcé et tordu à la réalité, devrait aussi interroger sur l’information en général, ses sources, ses « véhicules » et son but.
Si le mensonge est la vaseline nécessaire de la fiction, il reste l’infect acide du réel.

Qui dit art dit mensonge.
Honoré de Balzac

Tout ce qui peut être imaginé est réel.
Pablo Picasso



[1] Le nanar horrifique Cannibal Holocaust, en 1980, jouait déjà sur ce rapport faussé à la réalité.
[2] Environ 60 000 dollars de budget total pour… 250 millions de recettes. Joli placement. 
[3] Phénomène aujourd'hui très courant sur le net et connaissant plus ou moins de succès suivant les "bestioles" ou légendes mises en scène. L'on peut citer le Rake ou le Slender Man parmi les nombreuses créatures inventées de toutes pièces et qui peuvent parfois être présentées comme réelles sur certains sites. Certaines de ces créatures imaginaires sont pourtant parfois citées comme élément déclencheur d'un passage à l'acte violent. Ainsi, en 2014, à Waukesha dans le Wisconsin, deux gamines de 12 ans, ayant poignardé l'une de leurs "amies", ont déclaré avoir agi sous l'influence du Slender Man. 

La Communication Politique
Par
En plein #PenelopeGate et à l'approche des élections présidentielles, le discours politique est au cœur de l'actualité. Au-delà d'un simple discours, c'est toute une mécanique orale et gestuelle qui doit être parfaitement pensée en amont. Le but est toujours le même : séduire de potentiels électeurs, convaincre ou rassurer des militants...

Ce n'est pas nouveau, l'exercice de la communication politique repose de plus en plus sur l'image et le capital sympathie d'un élu. Depuis quand existe-il des conseillers pour ce genre de choses ? Qui en usent et abusent ? Avec l'évolution du numérique, comment le discours politique s'est-il s'adapté ? C'est ce que propose de découvrir la petite bande dessinée sobrement intitulée La Communication Politique, quatorzième tome de « La petite Bédéthèque des Savoirs » (cf. Digest #27), une collection de l’éditeur Le Lombard proposant une vulgarisation de sujets allant du féminisme à Internet, en passant par le heavy metal et le minimalisme. Riche et variée donc.


La BD est écrite par l’historien français Christian Delporte, spécialiste en politique et médias, qui a déjà rédigé une trentaine d’ouvrages sur ces sujets depuis 1993. Les dessins sont signés par Terreur Graphique, Fred Lassagne de son vrai nom, qui collabore (ou a collaboré) avec plusieurs revues de genre, comme Psikopat, L’Écho des savanes et Fluide Glacial, ainsi que des titres de presse comme Les Inrocks ou Libération (son travail pour ce journal est disponible ici). Cliquez sur les images d'illustration de cet article pour les voir en plus grand.

Le propos du livre est (normalement) connu de tous mais dévoile un historique passionnant, enrichi d’exemples très concrets, étayés par des faits et des études démonstratives. Ainsi, on apprend que l’origine de ce travail de l’image en politique prend ses sources dès 1956, aux États-Unis, avec Joseph Napolitan, un jeune journaliste qui ouvre un cabinet de « conseiller en communication », profession qu’il vient d’inventer (« Political Consultant » pour être plus précis). Il contribua a rendre le candidat Thomas O'Connor à la mairie de Springfield énergique et sympathique, sortant cet anonyme de l'ombre et le faisant élire. Même Valéry Giscard d'Estaing a fait appel aux services de ce gourou de la communication en 1974.  Vient ensuite l'évolution de ce nouveau métier et son impact à travers les pays et les âges.

On passe ainsi, en vrac, des photos de John Fitzgerald Kennedy (pionnier de la « peopolisation » des politiciens) aux langages du corps devenus obligatoires pour les passages télé, tout horizon confondu. Les coachs et les conseillers s’enchaînent avec des stratégies diverses et variées : Sarkozy et son tutoiement de multiples journalistes pour le « copinage », Hollande et l’obligation de sourire au « petit peuple » dans certaines occasions… En 1981, le slogan « force tranquille » est refusé par Valéry Giscard d'Estaing avant d'être accepté par François Mitterrand, preuve en est que tout est interchangeable d'un camp à l'autre, tant que l'image et les mots sont une force, à base de storytelling et formules gagnantes.

La Communication Politique regarde aussi hors de l’Hexagone, avec notamment le phénomène Obama (saviez-vous que son équipe de communicants avait acheté des emplacements « publicitaires » dans des jeux vidéo ?) qui a été le premier a investir les réseaux sociaux et Internet de façon efficace (à l’époque MySpace, YouTube et Facebook). L'ancienne Présidente du Brésil Dilma Rousseffa, elle-aussi, a bénéficié d’un relooking complet pour faciliter son élection en 2010 : qualifiée de brillante économiste, elle plafonnait dans les sondages avant de subir un changement de look radical (régime, opération chirurgicale, coupe de cheveux, positionnement physique, etc.). On ignore l’impact sur sa victoire mais nul doute que cela y a contribué. Tony Blair n’est pas en reste, acteur vecteur d’un « avant / après » indiscutable dans le genre. 


« La communication, c'est un moyen d'informer et de tenir compte de l'opinion,
mais c'est aussi, revers de la médaille, une culture de l'apparence.
Le moule de la télégénie a effacé toutes les aspérités sur lesquelles, jadis, l'homme politique pouvait compter pour faire oublier une apparence voire une certaine laideur ; l'intelligence, la culture, l'éloquence, les effets de la tribune…
Comme si les idées comptaient moins que le look. »



Côté France, on découvre notamment que François Mitterrand avait décidé de sacraliser sa parole et ses interventions, là où la course à l’omniprésence télévisuelle était pourtant salutaire. Avec les chaînes d’informations en continu, les sites Internet et les réseaux sociaux, cette quasi-« obligation » de paraître pour exister, d’être diffusé pour être, les politiciens cherchent des stratégies novatrices (cf. Jean-Luc Mélenchon et son hologramme, une trouvaille sur la forme mais dont les rares médias qui s’en sont fait écho n’ont pas relevé le fond – étrangement seule la sphère du web a évoqué ce double meeting là où la presse télé évoquait majoritairement ceux d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen qui avaient lieu au même moment).

Pour quelqu’un qui s’intéresse de loin au sujet, cette bande dessinée est un complément indispensable pour parfaire sa culture du genre, pour les autres passez votre chemin et, pour ceux qui sont déjà plongés dedans, vous n’apprendrez pas grand-chose de réellement nouveau. Malgré un format relativement petit (13,5 cm de largeur pour 19,5 cm de largeur) et un prix un chouilla trop élevé (10€), ce guide-bilan-encyclopédique humoristique (les dessins font mouche, aidés par une colorisation très vive) dresse un constat effrayant par rapport à notre démocratie et appelle au bon sens des citoyens. C'est-à-dire s’informer sur des faits et un « vrai » programme sans se laisser convaincre par un sourire ou un charisme (même si, idéalement, un bon équilibre des deux est essentiel, ne serait-ce que pour l’image et la représentation du pays à l’étranger). Le débat pourrait aller plus loin en remettant en cause le système démocratique actuel, mais cela est un tout autre sujet qui mériterait un autre livre.

Les soixante-dix pages contiennent un avant-propos de David Vandermeulen, auteur de bandes dessinées belges (Fritz Haber) et un guide en fin d'ouvrage pour approfondir ses connaissances avec des suggestions des deux auteurs : trois livres, un journal (Le Canard enchaîné) et deux films, dont l'excellent L'Exercice de l'État, long-métrage français de Pierre Schoeller sur les rouages et les coulisses d'un cabinet de ministre. Nous ajouterons les deux formidables séries House of Cards (sur la politique américaine, bien que parfois non-plausible par certains aspects) et, surtout, Baron Noir, plongée dans la politique française avec un écho foudroyant au gouvernement actuel.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Pédagogique, accessible et utile.
  • Plutôt amusant malgré l'importance du sujet.
  • Des exemples concrets appuyés par des faits et des études poussées.
  • Des dessins et caricatures efficaces.
  • (Un écho à l'actualité qui donne un prisme de lecture encore plus essentiel.)

  • Rien de réellement nouveau pour celui qui s'intéresse déjà à ce sujet.
  • Un format assez petit par rapport au prix (10€).
Luther Arkwright : Au Cœur de l'Empire
Par


Aventures uchroniques et mondes parallèles sont au centre de l'excellent Au Cœur de l'Empire, seconde saga du cycle de Luther Arkwright.

Voilà déjà huit ans que nous vous présentions Les Aventures de Luther Arkwright, œuvre majeure et foisonnante de l'anglais Bryan Talbot (auteur également de Grandville ainsi que Grandville, mon amour). La suite directe de Luther Arkwright, publiée chez Dark Horse et éditée en France par Kymera, est constituée de trois tomes, tous disponibles. La forme est cette fois différente puisque les ouvrages sont d'un format plus petit et sont en couleurs.
Mais penchons-nous tout d'abord sur l'intrigue.

Le récit commence au sein du parallèle 00.72.87 et s'ouvre d'ailleurs sur une scène particulièrement forte et osée puisque l'on y voit un cardinal écouter un peu de musique tout en appréciant... une fellation prodiguée par une bonne sœur. Le ton est donné, Talbot se révélera donc plutôt irrévérencieux (et fera preuve également d'auto-dérision avec la fausse - et amusante - biographie présente en début d'ouvrage). Le fameux cardinal, une fois détendu, se rend à une convocation papale. Il se voit alors assigner une mission des plus radicales : se rendre à la cour de l'impératrice Anne pour réclamer rien de moins que son empire, au nom du Vatican. Si celle-ci refuse, le cardinal se devra de la supprimer.


Il ne s'agit là que d'une petite partie de la trame complexe conçue par l'auteur. Celle-ci se déroule dans un monde dominé par un empire anglais hégémonique à la technologie très steampunk. L'on va suivre essentiellement en réalité la princesse royale, fille de Luther, à savoir Mary Victoria Elizabeth Boudicca Miranda Cordelia Arkwright Stuart, que nous appellerons Vicky parce que c'est son diminutif et que ça nous arrange bien.
Vicky souffre d'un mal mystérieux et de l'absence d'un père, idéalisé dans la société, mais qui n'a pas été là pour elle. En rencontrant des révolutionnaires épris de liberté, la princesse va découvrir de multiples menaces, dont une émanant des propres services secrets de sa mère.

Talbot a conservé l'essentiel des grandes thématiques de la première saga, que ce soit les complots, la corruption, le système répressif ou encore une certaine décadence, le tout empreint de magie, de mythologie et de métaphysique.
Comme on l'a vu dans l'introduction, le sexe n'est pas absent, tout comme l'humour, assez corrosif d'ailleurs (la différence entre Kray, posant nu, dépouillé de ses accessoires, et son portrait est un exemple des petits moments savoureux dont Talbot a parsemé son histoire).
Le récit fait bien sûr quelques détours par le parallèle 00.00.00, siège du complexe W.O.T.A.N. où l'on s'active pour empêcher un désastre qui impacterait le multivers dans son ensemble.


C'est agréable à lire, inventif, riche et souvent astucieux.
C'est surtout l'aspect graphique qui apporte le plus de différences avec le premier opus, dont les dessins étaient ahurissants de complexité, de maîtrise et de sens multiples. Dans Au Cœur de l'Empire, Talbot (qui signe scénario et dessin) reste plus simple, sans ce foisonnement de détails qui était si caractéristique de cet univers. Ce sont surtout les paysages urbains steampunk qui vont souffrir de ce manque de panache et d'envergure, mais certaines planches (lors d'une longue scène érotique par exemple) sont tout de même très simplistes également.
Pire, c'est surtout la colorisation (infecte) qui va impacter négativement ces trois tomes. Même sans être un fan du noir & blanc, il faut reconnaître qu'ici, les couleurs sans nuances, trop flashy, agressent l'œil et parviennent même à gêner (un comble !) la lisibilité lors de certaines scènes (psychédéliques notamment) [1].

Malgré tout, Au Cœur de l'Empire reste une saga certes en dessous techniquement des Aventures de Luther Arkwright, mais passionnante et bien écrite. L'on se laisse vite emporter dans cet empire mythique, aux parts d'ombre inquiétantes et à l'atmosphère variant entre le glauque et le clinquant.
L'adaptation française est plutôt bonne (quelques coquilles cependant) si l'on excepte le lettrage, assez maladroit, le texte n'épousant pas toujours la forme des phylactères et venant même souvent toucher leurs délimitations.

Environ 300 pages en tout d'un savoureux voyage dans une uchronie au charme certain.



[1] L'on est donc loin de l'édition couleur d'un Bone par exemple, qui enrichissait les décors tout en conservant et amplifiant l'élégance du style de Smith.


Quelques planches issues de la première saga.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un univers riche et envoûtant.
  • Une intrigue complexe et habile.
  • Une présentation succincte des nombreux personnages dans le premier tome.
  • Le charme steampunk.
  • Une critique sociale appuyée, doublée d'un humour caustique.

  • Un style graphique moins percutant que celui de la première saga.
  • Une colorisation vraiment affreuse.
  • Lettrage perfectible.
Walking Dead : les Comics VS la Série Télé
Par

La seconde partie de la saison 7 de The Walking Dead a débuté ce lundi 13 février en France (sur OCS). Son support originel en comics reviendra le mercredi 29 mars avec le vingt-septième tome de la série : Les Chuchoteurs. Pour l'occasion, nous vous proposons un article un peu particulier. Il a été écrit par Thomas l'été dernier et a été publié dans Séries Saga #3 en septembre 2016 (que nous évoquions dans cet article) — donc avant la diffusion de la saison sept et, par conséquent, de l'identité du ou des victimes de Negan [le texte a été un peu remanié du coup pour le mettre à jour]. Une interview de... Neault lui-même était d'ailleurs proposée (avant que Thomas rejoigne UMAC). C'est donc la retranscription de ce papier et de cet entretien que nous vous dévoilons aujourd'hui.

Une adaptation, deux versions

La terrible scène de fin de saison 6, avec l’apparition de Negan et la mise à  mort d’un protagoniste correspond au 100e chapitre de la bande dessinée Walking Dead chez Delcourt (et non « The Walking Dead » comme son titre originel et son adaptation télé ; l’éditeur a choisi d’enlever le « The »). Il est publié dans le tome 17, très justement titré « Terrifiant ». Neuf autres volumes sont sortis depuis et le destin de chaque personnage s’avère parfois bien différent de ce que l’on peut voir sur le petit écran. On détaille tout ceci avec évidemment de grosses révélations pour ceux qui n’ont pas lu les comics !

La série de comics la plus vendue en France 

Début octobre, la version française de la bande dessinée consacrée aux morts-vivants a rattrapé l’originale : « L’Appel aux armes », 26e volume de Walking Dead est en vente. Il contient les chapitres 151 à 156 de la fiction co-créée et scénarisée par Robert Kirkman, qui a débutée en 2004 outre-Atlantique. Il a fallu attendre juin 2007 pour découvrir, en France, les deux premiers tomes simultanément. Presque dix ans plus tard, ce sont 4 millions d’exemplaires qui se sont écoulés, ce qui en fait la série de comics la plus vendue dans l’Hexagone ! Du jamais vu pour le genre.

L’éditeur nous indique que 100.000 exemplaires sont imprimés pour chaque nouveau tome (avant d’être réédité si besoin). De plus, Delcourt est au plus près de la sortie américaine : le tome 25 était sorti le même jour aux États-Unis et en France. Au pays de l’Oncle Sam, Walking Dead est publié à raison d’un chapitre par mois avant d’être compilé en TPB — ceux là même que propose l’éditeur français). Le tome 26 a débarqué moins de dix jours après la version US.

Au moment où nous avions écrit ces lignes, c’était le chapitre 158 qui venait tout juste d’être dévoilé aux États-Unis. Il sera dans le tome 27, « Les Chuchoteurs », qui est donc prévu pour le 29 mars — la traduction exacte du titre originel aurait dû être « La Guerre des Chuchoteurs - Première partie » (sur deux) [1]. Le terrible Negan est toujours là mais la situation aura beaucoup plus avancé que dans la série TV…

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Dans les grandes lignes (attention, ce qui suit dévoile tout ce qui se passe dans les derniers comics et confirme plus ou moins ce qui a été montré dans la première partie de la saison 7) : Negan tue Glenn avec sa batte de base-ball Lucille, et une guerre est déclarée entre lui et Rick. Rick s’associe à Jesus mais aussi à Ezekiel (qui dirige la communauté du Royaume) et son tigre Shiva pour vaincre l’armée de Negan. Chaque protagoniste ayant évidemment son lot de soldats et amis dans ses troupes. Abraham est tué par les hommes de Negan (chronologiquement parlant, ce meurtre arrive d’ailleurs avant celui de Glenn). Rick s'en sort non sans mal, après une bataille sanglante et éprouvante.

Les comics opèrent alors une ellipse temporelle de plusieurs années avec « Un Nouveau Départ » (traduction littérale du titre américain, épisode intitulé « Une Nouvelle Vie » en France et correspondant au tome 22). Rick est devenu le nouveau leader de la communauté d’Alexandria, Maggie celui de la Colline, Carl s’émancipe peu à peu et trouve même du réconfort auprès d’un prisonnier : Negan ! Une fois de plus, une nouvelle menace apparaît en la personne d'Alpha et de ses chuchoteurs. Des individus qui portent des masques de peaux et se font passer pour des zombies afin d'attaquer d’autres humains.

Tout s’envenime lorsque Lydia, la fille d’Alpha, noue une relation avec Carl. Après plusieurs conflits, Alpha laisse sa fille à la communauté de Rick tout en faisant un pacte avec celui-ci : pas question de dépasser une frontière qu’elle a elle-même tracée. Celle-ci se symbolise par des piques avec les têtes décapitées de plusieurs amis de Rick dessus ! Malgré cet affront terrible, Rick accepte mais il n’avait pas prévu que Negan arriverait à s’échapper… Une nouvelle guerre commence, la fameuse « Guerre des Chuchoteurs », qui alimentera donc le 27e tome.

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En août 2016, un casting a été lancé pour la septième saison de Walking Dead afin de trouver un nouveau leader du nom de Brion, pour apparaître dans les épisodes 10 et 12 (qui seront donc diffusés fin février/début mars). C'est « une personne éduquée, un leader qui prend des airs supérieurs et cache ses motivations. C’est une personne confiante, calme et surtout préoccupée par la façon dont elle peut tirer bénéfices de son savoir. » De là à imaginer que Brion et Alpha ne fassent qu’un… Toutefois il pourrait s’agir d’un personnage totalement inédit pour l’adaptation télé, à l’instar de Daryl Dixon qui n’existe pas dans la bande dessiné.

C’est d'ailleurs l'une des libertés prises par la série (et aussi l’une de ses grandes qualités) : modifier le destin de ses personnages papier ou en créer de nouveaux. Par exemple, dans les comics, cela fait une éternité que Carol est morte, ainsi que Judith, le bébé de Rick et Lori. À l’inverse, le personnage d’Andrea est, lui, toujours en vie (membre du groupe de Rick durant les deux premières saisons, elle est sauvée par Michonne puis rejoint le Gouverneur et meurt à la fin de la troisième saison). Andrea est d’ailleurs en couple avec… Rick ! Dans le show d'AMC, il a entamé une romance avec Michonne. Dans la BD, Carl appelle parfois Andrea « maman ». Le shérif et la sniper recueillent et élèvent aussi Sophia, la fameuse fille de Carol que l’équipe avait cherchée durant une bonne partie de la saison 2, avant de la découvrir en zombie dans la grange de Hershel ; à l’époque Lori et Shane étaient encore de ce monde. Shane, le collègue flic de Rick, joue d’ailleurs un rôle nettement plus important dans la série que son pendant de papier. Et pour cause, il était tué par Carl dès la fin du premier tome ! Les différences sont encore nombreuses. Une de taille : il n’y a strictement aucune explication à la « naissance » des zombies dans la bande dessiné.

En dépit de ces variantes, la série télévisée suit globalement la même ligne narrative : les débuts et la présentation du groupe de Rick, la ferme de Hershel, la prison, le Gouverneur, Negan, etc. Seulement, tout ce qui a été produit dans les comics n’est pas forcément « bon » (cf. cet article). Passé l’excellente première dizaine de volumes, Walking Dead applique la même recette en plus longuette et moins bien écrite. Negan est un nouveau Gouverneur, il est juste plus grossier, vulgaire et violent (encore que, dans la BD, le Gouverneur fait moins preuve d'empathie que celui de la série). Suit une guerre contre Rick et les siens avec un nouvel espoir de bâtir un monde « meilleur ». Dans les comics, le scénario se répète contre Alpha… Peu original, même si l’ensemble reste efficace (le lecteur s'est fortement attaché à certains personnages qui trépassent) et produit un divertissement honorable. Manque la surprise du début, la fraîcheur de la découverte. C’est là que la série télévisée doit exceller : gommer les imperfections de la version papier pour concevoir de nouvelles intrigues prenantes.

Robert Kirkman et Charlie Adlard.  

Un avis que semble partager Cyril Durr, alias Nolt, le scénariste de la bande dessinée parodique de comics The Gutter (Nats éditions) et, surtout, un blogueur pionnier du genre qui chroniquait Walking Dead bien avant que la série ne prenne forme (cf. cet article, datant de 2007) :
« J’ignore quelle est la cause réelle de cette baisse qualitative et du surplace narratif qui l’accompagne. Il faut bien comprendre, cependant, que Walking Dead est une exception dans la carrière de Kirkman. Ses autres œuvres, que ce soit MarvelZombies, Astounding Wolf-Man ou Brit possèdent un second degré très marqué ou sont carrément déjantées, comme Battle Pope. Cette écriture plus premier degré et dramatique n’est donc pas sa marque de fabrique lâche l'auteur. Peut-être les difficultés proviennent-elles aussi du concept, qu’il a expliqué, de série ‘‘sans fin’’. C’est assez compliqué d’improviser totalement un long récit sans tomber dans le piège de la redite, d’autant qu’il a étrangement laissé de côté toutes les pistes qui pouvaient faire progresser l’intrigue pour se ‘‘kurumadiser’’. En gros, on reprend le même schéma à l’infini, comme la célèbre bataille du sanctuaire dans Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque ; "kuramadiser" est tiré du nom de son auteur, Masami Kuramada). »

À propos de la série télévisée, Cyril Durr reconnaît avoir été perplexe lors du visionnage du pilote à cause du rythme très lent — un reproche fréquemment fait à la saga et plus encore à son spin-off Fear the Walking Dead — et de l’absence de musique d’ambiance. Mais il ajoute que les saisons se regardent sans déplaisir. « Il est illusoire d’exiger d’une adaptation qu’elle soit ‘‘fidèle’’ en terme d’intrigue. Un support différent nécessite de se plier à des contraintes différentes. La fidélité que le fan est en droit ‘‘d’exiger’’ se situe plus au niveau de l’esprit de l'œuvre, qui a été conservé d’ailleurs : une étude psychologique sur le comportement de gens débarrassés du garde-fou essentiel que constitue le mince vernis de la civilisation. Sur ce plan, c'est très réussi. Et bien sûr, lorsque l’on a déjà lu les comics, le fait que la série TV développe une intrigue légèrement différente est plutôt un avantage. »

Il est nécessaire de rappeler que la volonté de Kirkman, du moins aux débuts de la création de Walking Dead, était de découvrir ce qui se passe après la fin du générique d’un film de zombie ; aller plus loin dans tout, bien au-delà d’un simple film d’une heure trente. Pari relevé. Idem pour la série, comme le stipule l’acteur Steven Yeun qui interprète Glenn : « Notre travail est de dépeindre une histoire très humaine dans des circonstances extraordinaires. » D’où l’accent mis sur les (nombreux) personnages, l’un des points forts des comics mais aussi de la version télé.
La saison 7 mettra donc en avant Negan. Dans les livres, cela se déroule sur cinq à six tomes environ. « On va voir ce que la période Negan, catastrophique dans les comics, va donner à l’écran, ajoute Neault. C’est un rôle très difficile car, au mieux, c’est un Gouverneur bis, en un peu plus taré. Au pire, comme dans la BD, c’est une longue accumulation d’inepties. Franchement, ça ne peut pas être pire que ce qu’on a lu, où les invraisemblances se disputaient aux maladresses. »

  « Nous savons précisément comment l’histoire se terminera. »

Pour l’heure, Robert Kirkman, le scénariste des comics, qui travaille aussi sur l’adaptation télé en tant que producteur (donc plus ou moins « superviseur »), affirme qu’il a en tête la fin de sa série : « J’ai un plan sur le long terme, et je sais quelle direction prendre ». Il y aura au moins 200 chapitres car il ne voit pas « comment faire tenir cette histoire en moins d’épisodes ». Le dessinateur Charlie Adlard, qui a succédé à Tony Moore (ce dernier n’avait œuvré que sur le premier tome) le confirmait en mai 2016, lors des trente ans de l’anniversaire des éditions Delcourt en France. « Avec Robert, nous savons précisément comment l’histoire se terminera. Après, c’est une question de savoir précisément le temps qu’il nous faudra pour arriver à ce point. C’est une chose que l’on peut injecter dans la série à n’importe quel moment. Cela peut être dans plusieurs mois ou dans plusieurs années. »

« Robert Kirkman avait ‘‘vendu’’ The Walking Dead à Image (Image Comics, l’éditeur actuel de la série, quatrième plus gros éditeur de comics aux États-Unis derrière Marvel, DC et Dark Horses Comics), à l’époque, en prétendant que l’épidémie de zombies était le prélude à une invasion extraterrestre, explique Cyril Durr. Les morts-vivants ne connaissaient pas, à ce moment-là, l’effet de mode actuel et l’éditeur semblait réticent. Kirkman s’en est même amusé avec quelques planches parodiques publiées dans le comic numéro 75, que certains lecteurs ont prises au sérieux. Ce serait drôle qu’il revienne là-dessus. En France, ces quelques planches parodiques évoquées n’ont pas été publiées dans les recueils librairie mais dans la revue kiosque « Les chroniques de Spawn n°35 ».  Honnêtement, une bonne fin serait déjà bien. Et ‘‘bonne’’ signifie surtout bien mise en scène. Peu importe si Rick survit ou non. Il faut qu’il ait une belle mort ou une belle vie, et la ‘‘beauté’’, dans une intrigue, c’est essentiellement du savoir-faire technique au niveau de la narration. L’inspiration, le talent, tout cela, ce sont des généralités que l’on sert au grand public, mais pour obtenir un résultat final correct, il faut bosser. Ce n’est pas très romantique, mais c’est ce qui fait la différence. »

À raison de six chapitres par tome et deux tomes par an, le 33e volume de la série devrait donc contenir les chapitres 194 à… 200. Si le rythme de publication reste inchangé, les lecteurs pourront découvrir cela dans trois ans. Reste à savoir si la série télévisée en sera à sa onzième saison. Conclusion de Cyril Durr : « Si la qualité est au rendez-vous, dans l’absolu, ils peuvent tenir très longtemps. Il faut craindre la routine des plumes plutôt que le désintérêt des fans, d’autant que les thématiques possibles sont loin d’avoir toutes été explorées. »



[1] En février 2017, c'est le chapitre 163 qui vient d'être publié aux États-Unis. Il se déroule juste après « La Guerre des Chuchoteurs » et sera, en toute logique, le chapitre qui ouvrira le tome 29, qui sortira très certainement en France au dernier trimestre de l'année. Spoiler : pas d'ellipse temporel cette fois-ci, le récit reprend pile où il s'était arrêté et Rick doit (à nouveau) faire face à une horde de zombies encore plus grande. C'est complètement invraisemblable et incohérent avec ce qui a été montré par le passé mais son alliance forcée avec Negan relance efficacement l'intérêt de la série.

Retroreading Iron Man : Armor Wars
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Et on continue ! Quand on aime... 

C'est un peu à cause de cette pseudo Seconde Guerre des Armures que j'ai voulu relire de plus près la première (et véritable, et inégalée) des quêtes menées par Tony Stark pour retrouver et neutraliser tous ceux, ennemis ou alliés, qui utilisent sa technologie.
Cette fois, l'album se tient, son format est cohérent avec un arc presque entièrement inclus même si, série oblige, les prémisses de cette aventure étaient déjà notables dans les épisodes précédents. Ici, pas d'intrigue secondaire qui ne trouve pas sa résolution, l'intérêt est presque intégralement focalisé sur Stark, lequel découvre, en étudiant de plus près l'équipement qu'il a confisqué à Force, alias Clay Wilson, qu'une partie des dispositifs intégrés ne sont autres que des dérivés de sa propre technologie. Cherchant à en avoir le cœur net, il utilise la base de données des West Coast Avengers (à l'époque, pour les novices, il faut savoir que l'équipe des plus puissants héros de la Terre était scindée en deux, cf. cet article) afin de déterminer lesquels de ses anciens adversaires sont susceptibles d'embarquer des armes issues de ses brevets. Et le constat est effarant : la majeure partie des vilains en armure, mais également des hommes travaillant pour le gouvernement, disposent de gadgets plus ou moins apparentés aux siens. Certes, il a fait évoluer Iron Man depuis (passant à un rouge et argent du plus bel effet, aux épaulettes saillantes) mais là n'est pas la question : Stark refuse catégoriquement qu'un innocent soit victime d'un engin issu de son propre cerveau. Il va lui falloir découvrir comment la fuite a pu avoir lieu, puis monter une opération d'envergure, jamais tentée jusque-là, destinée à traquer tous ceux qui ont pu se doter, volontairement ou non, d'équipements dont il serait à l'origine.

Évidemment, il ne peut entreprendre ce raid seul, et le brave Rhodey paiera encore de sa personne (compromettant sa vie privée) en soutenant ou épaulant son boss et ami. Au début, il se contente de s'en prendre à des criminels à la petite semaine comme l'Homme aux échasses (on peut difficilement faire plus ridicule), mais l'âpreté et l'intransigeance de sa quête attirent très vite l'attention des bien-pensants.
On pourra gloser en constatant qu'il ne s'agit, au final, que d'un énième prétexte pour upgrader l'arrmure d'Iron Man, mais un prétexte plus fin que d'habitude puisque Tony a de nouveau affaire à sa propre conscience d'ancien vendeur d'armes. Armor Wars est ainsi rédigé avec précision et savoir-faire par David Michelinie définitivement à l'aise avec son univers, secondé progressivement par un Bob Layton qui s’approprie définitivement le personnage, affranchi cette fois des crayonnés de John Romita Jr. Le design reste le même qu'à l'époque de le Diable en bouteille avec un côté high-tech prononcé et une grande finesse dans les traits des personnages, mais la mise en pages est plus sage, moins dynamique que dix ans auparavant (nous sommes cette fois à la fin des années 80).

Armor Wars se veut une quête désespérée, Stark s'y investissant corps et âme au risque d'y perdre ses anciens alliés (les Avengers se montrent compréhensifs mais distants, Captain America en revanche ne peut légitimement pas le laisser continuer et remettra en cause leur longue amitié) et de se retrouver fiché comme criminel contre l'état. Plus que de son honneur, il en va de ses principes de morale qu'il a tenté de racheter depuis ses déboires avec l'alcool.

Du coup, pas de demi-mesure, il ne se contente pas de stopper et neutraliser ses ennemis, mais il va jusqu'à détruire toute trace de la moindre technologie dépendant de ses brevets. Désormais renégat, Iron Man aura les coudées plus franches mais son alter-ego aura une marge de manœuvre de plus en plus étroite. Même les Mandroïdes et les gardes du S.H.I.E.L.D. auront droit à sa vendetta, jusqu'à ce que le gouvernement fasse appel à une de ses armes absolues pour mettre définitivement hors d'état de nuire l'ex-garde du corps rouge et argent de notre play-boy milliardaire. 
Une fin synonyme de renaissance avec un Stark retors disposant de plusieurs coups d'avance sur ses adversaires et qui devra trouver un moyen de se réhabiliter tout en faisant amende honorable. Cette fuite en avant soulignant l'exceptionnelle intelligence de l'ingénieur-entrepreneur trouvera un écho inversé quelques décennies plus tard sous la houlette de Matt Fraction & Salvador Larocca lorsqu'il fera tout pour échapper à Norman Osborn tentant de mettre la main sur son savoir.
Épique, brutal et graphiquement réussi.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un arc complet et une étape décisive dans la série Iron Man.
  • Une montée en puissance très ludique et savamment orchestrée.
  • Un design légèrement moins flashy mais toujours très high-tech friendly.
  • Un passage en revue d'anciens ennemis et alliés.
  • Une dureté inhabituelle dans la conclusion et les aboutissants de la quête, plus vue depuis le Diable en bouteille.
  • Iron Man en mode "rogue", devenu ennemi public, ça vaut son pesant de boulons !
  • Des artistes au sommet de leur art avec en bonus un épisode signé Barry Windsor-Smith !

  • On aurait pu s'attendre à plus épique si les Avengers avaient décidé de prendre parti : on n'était pas encore prêt pour un "Civil War"...
  • Bob Layton est un encreur hors pair et il sait différencier les personnages, mais ça manque de tonus dans les scènes d'action, de dynamisme dans les transitions.
Rewind : Opération Coup de Poing
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Brigadier, sabari !
Ce sont les mots que vont reprendre des milliers de français dans les années 80 (et bien plus tard), sans connaître forcément leur signification. Sans la prétention d’aller chercher la vérité au fond des notes, nous allons nous pencher rapidement sur ce titre, envoutant, historique et toujours actuel.

Quand Alpha Blondy sort cette chanson, très personnelle, très risquée aussi pour l’époque (la Côte d’Ivoire n’a pas connu que des périodes tranquilles, loin de là, et ses forces de police étaient relativement… musclées), il parle en fait d’une arrestation brutale, de violence policière, il se révolte mais, contrairement aux insultes idiotes (non justifiées) que lanceront des années plus tard certains rappeurs en France, l’homme implore et transforme ses cris de douleur (réels) en reggae jouissif et lancinant.

Cette façon de faire est loin d’être stupide. Une insulte divise toujours, un cri de désespoir a tendance, au contraire, à rassembler.
Plutôt que de mettre l’accent sur les faits, il évoque ce qu’il ressent sur l’instant, la souffrance, et insiste sur ce « brigadier, pitié ! », lancé comme une supplique désespérée.

La chanson, évidemment opaque pendant longtemps pour les adolescents que nous étions, est chantée presque intégralement en dioula, plus spécifiquement une version du langage que le chanteur revendique comme « du terroir, non javellisée ».
Volontairement, il s’écarte de la ville (d’Abidjan pour être exact) afin de puiser dans des racines plus authentiques. Le reggae africain est né…

Ce qu’il y a de paradoxal avec ce reggae, différent de celui de Marley, c’est qu’il est à la fois censé être plus roots mais sera, pour nous français, bien plus accessible, Alpha Blondy, francophone, incluant régulièrement des passages en français dans ses chansons (ou optant carrément pour cette langue).
L’homme est loin de faire pourtant l’unanimité, il faut dire qu’il ne manque pas d’audace. Si son Apartheid is Nazism est caricatural et vise les États-Unis (c’est le seul pays qui est critiqué de la même manière quand il intervient ou n’intervient pas quelque part), son Abortion is a Crime, très peu dans l’air du temps, dénote un véritable courage dans le positionnement, loin des astuces marketing.

Nous avons tous notre propre rapport aux musiques et à ce qu’elles évoquent.
Une mélodie sympa, des basses puissantes, une circonstance particulière, et nous voilà marqué à vie.
Je suis très peu sectaire, que ce soit dans les genres littéraires ou la musique. Je me fous pas mal des étiquettes. Mais, comme tout le monde, j’ai besoin de passerelles pour aller vers l’inconnu.
Alpha Blondy a été ma passerelle vers le reggae.
C’est ce qui a permis au fan d’Iron Maiden que je continue d’être de découvrir Black Uhuru ou Steel Pulse dans un autre genre. Ce qu’il y a de bien avec les passerelles, c’est qu’elles sont multiples et vont, à partir d’un même point, dans toutes les directions.

Et puis, mettez donc Opération Coup de Poing dans la bagnole, à fond (quand vous êtes seul hein, le but n’est pas de vriller les tympans de votre bébé de cinq mois !), et vous verrez, ça tabasse particulièrement bien.
Et peut-être trouverez-vous, tout comme moi, que ces « aïe, aïe, aïe, aïe », sont vachement bien chantés…
Je ne fais aucun parallèle avec l’actualité, notamment parce que notre police n’a rien de violente dans son immense majorité et, au contraire, subit des agressions quotidiennes qui n’intéressent que très modérément les médias. Mais attention, être attaqué par des barbares, être lâché par les politiques, être méprisé par certains cercles, n’autorise personne à se comporter en tortionnaire. La violence n’est pas inutile, mais elle doit être employée à bon escient, à l’encontre d’individus armés et menaçants.

Quant au « sabari », il n’a jamais apaisé les matraques, même virtuelles.
Mais bon, quand on croule sous les coups, ça ne coûte rien d’essayer.
L’honneur ne quitte pas celui qui implore mais celui qui frappe un homme à terre.